Catégories
Avec Philosophie Les essais de Pascal Rivière

Lettre à Monsieur Robert JOLY

Que reste-t-il de notre œuvre?

Cher Monsieur Joly,

Du royaume silencieux où vous résidez désormais, percevez-vous encore l’écho de nos pensées ? En rationalistes que nous sommes, j’en doute autant que vous en auriez douté. Pourtant, je m’adresse à vous comme on murmure à l’oreille de l’absence, dans cette conversation intime que l’on tient face à la pierre tombale d’un être cher.

Je viens de recevoir votre « Propos pour mal-pensants », cette œuvre née en 1997 de votre esprit lumineux. L’exemplaire que vous m’aviez offert, portant la calligraphie intime de votre dédicace, repose toujours dans ma bibliothèque – témoin fidèle du temps suspendu. J’hésitais à en fracturer l’intégrité, à soumettre ses pages au regard froid du scanner pour nourrir votre mémoire numérique. J’ai donc cherché refuge dans les méandres d’internet, où j’ai découvert avec mélancolie le destin de votre pensée : une maison de la culture, une bibliothèque itinérante près de Namur, une fiche d’emprunt immaculée, deux formulaires vierges, attestant que seul le bibliothécaire, dans son rituel d’archiviste, a effleuré ces pages que vous aviez habitées de votre âme.

Voilà donc ce qu’il advient de nos œuvres ! Nous écrivons, nous façonnons des univers de mots, nous tentons d’imprimer notre passage dans la matière du monde – et rien, le néant, le silence.

Je me souviens encore de ce jour où vous souhaitiez, comme vous l’aviez si élégamment formulé, « vider votre besace ». Je vous revois disparaître dans la brume entre Warocqué et la prison de Mons, après avoir partagé votre réflexion sur Jésus. N’est-ce pas là le sort tragique de l’homme ? Il déverse son âme pour transmettre un message, et ses paroles se dissolvent dans la brume du temps et de l’oubli.

Je sais, bien sûr, que quelque chose persiste de ce que vous avez semé en nous. Pourtant, lorsque j’ai cherché vos œuvres dans l’océan numérique, ces deux piliers fondamentaux que sont « Propos pour mal-pensants » et « Dieu vous interpelle ? Moi, il m’évite » semblent s’être évanouis comme des ombres au crépuscule.

Comment ne pas ressentir une indignation presque sacrée face à cet effacement progressif de tout ce que vous avez communiqué et transmis ? Je tente aujourd’hui, par des chemins détournés, de préserver les fragments de votre mémoire, mais y parviendrai-je vraiment ?

Le destin, après tout, ne connaît pas la prémonition.

Dialoguez avec la pensée de Robert JOLY grâce au support de l’intelligence artificielle.