
Vous revenez à pieds de vos courses chez Lidl et en passant le pont, vous croiser un quidam à vélo portant deux tuyaux. Et voilà ce que cela donne :
En ce jour mémorable, moi, humble chroniqueur des glorieuses banalités, je revenais des marchés lointains où j’avais acquis victuailles et autres biens précieux, le sac chargé comme un mulet mal nourri. Marchant d’un pas tranquille sur la voie pavée qui mène à mon modeste castel, j’entrepris de franchir le pont ancestral qui enjambe les eaux sombres du canal du destin.
Soudain, tel un dragon réveillé par une digestion difficile, surgit derrière moi une figure chevaleresque, furieusement perchée sur une monture de métal à deux roues. Je reconnus immédiatement le preux et illustre Messire Guidon des Tuyaux, porteur du blason fameux : « Deux Tuyaux Croisés sur Champ de Rustines », dont la fière devise résonne encore : « Qui fuit, perd la pression ».
Ah, le voilà ! Droit et altier, Messire Guidon chevauchait vigoureusement sa bicyclette grinçante, tenant fermement deux tuyaux longs et luisants, dignes lances de plomberie forgées par l’antique ordre des plombiers errants. Son regard flamboyant semblait scruter l’horizon, cherchant quelque adversaire digne de croiser le fer… ou plutôt le cuivre.
C’est alors qu’apparut, quelques toises plus loin, une redoutable charrette sans cheval, rutilante et vrombissante, semblant vouloir défier notre brave. Mon cœur s’emballa devant ce tournoi improbable ; je cherchais du regard la gente dame pour qui sûrement ce duel se livrerait. Mais, point de dame au balcon, ni de foule en délire : seulement moi, mon cabas, et la stupéfaction admirative de ce spectacle d’absurdité héroïque.
Messire Guidon accéléra soudainement sa course, ses tuyaux-lances frémissant à l’idée d’un glorieux choc frontal… mais, arrivé à l’extrémité du pont, ce preux chevalier vira brusquement à droite, esquivant avec une élégance contestable mais efficace l’affrontement tant attendu. Quel stratagème ! Quelle ruse audacieuse pour éviter la confrontation ! Il disparut ainsi derrière les haies sauvages, laissant derrière lui un parfum d’huile et de mystère.
Où donc allait-il, le vaillant Messire Guidon des Tuyaux ? À quel noble bricolage, à quelle quête mystérieuse réservait-il ses talents et ses armes étrangement domestiques ? Las ! Jamais je ne le saurai. Mais à jamais je porterai témoignage de ce jour glorieux où la grandeur, la bravoure et l’inexplicable se rejoignirent brièvement sur un banal pont au-dessus d’un canal décidément trop tranquille.
Du texte à un rap médiéval
Après avoir couché sur papier cette chronique burlesque d’une rencontre fortuite avec le mystérieux Messire Guidon des Tuyaux, je restais étrangement insatisfait. Les mots étaient là, l’humour aussi, mais il manquait quelque chose d’essentiel. Cette histoire, avec ses références aux tournois médiévaux et son héros à bicyclette armé de tuyaux en guise de lances, réclamait plus qu’une simple lecture.
J’ai d’abord envisagé une mise en forme théâtrale, puis une narration façon conte traditionnel, mais rien ne semblait capturer l’essence même de cette rencontre absurde et grandiose à la fois. Plus je relisais mon texte, plus une évidence s’imposait : cette histoire devait être chantée.
Mes premières tentatives m’ont conduit vers des adaptations en ballade folk classique, puis vers une forme plus lyrique inspirée des chansons de geste. Le résultat était correct, mais manquait cruellement de cette tension entre l’ancien et le moderne qui constituait l’âme même de mon récit. Comment donner une voix contemporaine à ce chevalier-plombier sur sa monture métallique ?
C’est alors que ma petite voix m’a soufflé « La Tribu de Dana ». Le rap médiéval de Manau, avec son mélange audacieux de flow contemporain et d’instrumentations celtiques, m’a offert la clé que je cherchais depuis des heures. Un style hybride, à mi-chemin entre la chronique médiévale et la narration urbaine moderne.
Les heures suivantes ont été consacrées à transformer mes vers en couplets rythmés, à concevoir un refrain qui resterait en tête, tout en préservant l’introduction parlée qui plante le décor de cette épopée ordinaire. La métrique a été repensée pour s’adapter au flow, les rimes affinées pour créer des moments de tension et de relâchement.
Le résultat final, « La Ballade de Messire Guidon des Tuyaux », dépasse mes espérances initiales. Ce qui n’était qu’une observation humoristique d’un quotidien banal s’est transformé en une véritable œuvre hybride, où les codes du rap se mêlent aux traditions des troubadours, créant ainsi un pont entre les époques – tout comme ce pont sur lequel j’ai croisé notre héros moderne aux allures médiévales.
Cette expérience m’a rappelé que parfois, un texte n’est que le début d’un voyage créatif bien plus vaste. Messire Guidon aurait sans doute approuvé cette transformation, lui qui sait si bien naviguer entre tradition et modernité, entre l’héroïsme fantasmé et la banalité du quotidien.
Et vous, chers lecteurs, qu’en pensez-vous ? Le rap médiéval est-il le véhicule idéal pour raconter nos épopées urbaines contemporaines ? N’hésitez pas à partager vos impressions dans les commentaires et à écouter « La Ballade de Messire Guidon des Tuyaux » disponible maintenant sur ma chaîne YouTube.
Paroles : La Ballade de Messire Guidon des Tuyaux
Words spoken
En ce jour mémorable, moi, humble chroniqueur des glorieuses banalités, je revenais des marchés lointains où j’avais acquis victuailles et autres biens précieux, le sac chargé comme un mulet mal nourri. Marchant d’un pas tranquille sur la voie pavée qui mène à mon modeste logis, j’entrepris de franchir le pont ancestral qui enjambe les eaux sombres du canal du destin.
Intro
Oyez, oyez, bonnes gens assemblées,
L’histoire vraie que je vais vous chanter,
D’un chevalier aux armes bien étranges,
Messire Guidon, que j’ai vu passer.
Refrain
Ô Messire Guidon des Tuyaux,
Fier chevalier sur sa monture à roues,
« Qui fuit, perd la pression » est sa devise,
Sa quête mystérieuse nul ne la connoît.
Couplet 1
Sur ma route, alors que je cheminais,
Ployant sous le poids de mon humble butin,
Surgit soudain, tel un dragon en courroux,
Un preux guerrier au regard incertain.
Couplet 2
Son blason noble et fort à contempler,
« Deux Tuyaux Croisés sur Champ de Rustines »,
Brillait au soleil comme l’or le plus pur,
Sur sa bicyclette, trône de fer qui grince.
Couplet 3
En ses mains tenait deux lances luisantes,
Non point d’acier, mais de cuivre forgées,
Par les anciens plombiers de la contrée,
Armes redoutables pour tout évier bouché.
Refrain
Ô Messire Guidon des Tuyaux,
Fier chevalier sur sa monture à roues,
« Qui fuit, perd la pression » est sa devise,
Sa quête mystérieuse nul ne la connoît.
Couplet 4
À l’horizon parut l’ennemi juré,
Charrette sans cheval, bruyante et fière,
Mon cœur battait pour ce combat épique,
Que les ménestrels chanteraient jusqu’à hier.
Couplet 5
Point de damoiselle pour jeter son voile,
Ni de héraut pour annoncer le duel,
Seul un badaud avec son sac d’emplettes,
Témoin unique de ce tournoi cruel.
Couplet 6
Messire Guidon accéléra sa course,
Ses tuyaux-lances frémissant de désir,
L’affrontement semblait inévitable,
Le monde retint son souffle à ce moment.
Refrain
Ô Messire Guidon des Tuyaux,
Fier chevalier sur sa monture à roues,
« Qui fuit, perd la pression » est sa devise,
Sa quête mystérieuse nul ne la connoît.
Couplet 7
Mais, ô surprise ! Quelle ruse audacieuse !
Au bout du pont, virant sur sa droite,
Le chevalier esquiva la bataille,
Disparaissant derrière les haies coquettes.
Couplet 8
Laissant derrière lui parfum d’huile et mystère,
Et mille questions sans réponses certaines,
Où donc allait ce valeureux guerrier?
Quel noble évier attendait sa main souveraine?
Couplet 9
Ainsi s’achève mon humble récit,
De ce jour où bravoure et plomberie,
Se rencontrèrent sur un pont ordinaire,
Au-dessus d’un canal trop tranquille pour lui.
Refrain
Ô Messire Guidon des Tuyaux,
Fier chevalier sur sa monture à roues,
« Qui fuit, perd la pression » est sa devise,
Sa quête mystérieuse nul ne la connoît.