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Clio ?

Quand une commémoration devient un cri d’alarme musical

Le 27 janvier 2024 marquait les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz. À cette occasion, une photo de l’entrée du camp avec sa sinistre devise « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre) circulait sur les réseaux sociaux, accompagnée d’un commentaire alarmant sur l’oubli qui semble gagner les nouvelles générations. En parallèle, le célèbre poème de Martin Niemöller résonnait avec une actualité glaçante : « Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste… »

Cette convergence entre la commémoration et notre actualité m’a poussé à réfléchir sur notre rapport à l’Histoire. Comment se fait-il que malgré les monuments, les commémorations, les cours d’histoire, nous semblions condamnés à répéter les mêmes erreurs ? C’est de cette réflexion qu’est née CLIO, une chanson qui emprunte les codes du rapcore et du nu-metal pour porter un message d’alarme.

Le choix du titre n’est pas anodin : Clio, muse de l’Histoire dans la mythologie grecque, devient ici le témoin impuissant de notre incapacité collective à apprendre de nos erreurs. Le format musical, mêlant rap incisif et refrains metal, permet d’exprimer à la fois la colère et la désillusion face à ce constat.

La structure même du texte reflète cette dualité : les refrains, construits comme des incantations à un miroir magique, représentent notre désir désespéré de comprendre et d’apprendre, tandis que les couplets démontrent, exemples à l’appui, comment les mécanismes d’oppression et de manipulation se perpétuent sous des apparences modernes.

De l’inscription « Arbeit macht frei » aux slogans marketing d’aujourd’hui, des camps de concentration aux usines modernes, des uniformes militaires aux costumes trois pièces, la chanson trace des parallèles dérangeants entre passé et présent. L’évocation des réseaux sociaux (TikTok, Twitter, Instagram) n’est pas là pour faire « jeune » mais pour montrer comment les nouveaux outils de communication peuvent devenir des vecteurs des mêmes dangers.

La conclusion, empruntée à une réflexion personnelle – « Si l’Histoire pouvait servir de leçon, l’Histoire s’en souviendrait » – vient refermer ce cycle de répétition tragique. Elle nous rappelle que la connaissance seule ne suffit pas : encore faut-il en tirer les leçons et agir en conséquence.

CLIO n’est pas qu’une chanson de plus sur les dangers de l’oubli. C’est un appel à la vigilance, un rappel que l’Histoire n’est pas qu’une matière scolaire mais un guide pour notre présent. Comme le disait George Santayana : « Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter. » À nous de décider si nous voulons continuer à tourner en rond ou enfin apprendre de nos erreurs.

Paroles de la chanson :

Intro musicale

Word spoken
Eh yo Clio
Sapiens est sourd, sapiens est lourd
Est-ce que bientôt on retourne aux fours
L’humanité a perdu ton numéro

REFRAIN 1
Miroir, miroir de l’Histoire
Dis-moi pourquoi on tourne en rond
Grimoire, grimoire de mémoire
Montre-nous toutes les leçons

COUPLET 1
Les mots mentent sur les frontons
« Le travail vous libérera »
Pendant qu’en bas nous piétinons
À la chaîne au même pas

« Liberté égalité » qu’ils disent
Mais les chaînes changent de nom
Du camp à l’usine, la devise
Cache toujours les mêmes patrons

REFRAIN 2
Miroir, miroir sans mémoire
Dis-moi pourquoi on tourne en rond
Grimoire, grimoire dérisoire
Personne ne retient les leçons

COUPLET 2
Dans les livres d’Histoire en classe
On nous fait croire qu’on comprend
Mais dehors le temps qui passe
Répète les mêmes errements

Sur TikTok défilent les pages
Les tyrans changent de costume
Mais gardent le même message ]
« Suivez-moi, j’ai le meilleur programme »

REFRAIN 3
Miroir brisé de l’Histoire
Regarde comme on tourne en rond
Grimoire aux pages illusoires
On crache sur toutes les leçons

COUPLET 3
On récite bien nos leçons
Dates, batailles et traités
Mais dès qu’on sort du wagon
L’Histoire peut recommencer

Les profs nous parlent du passé
Pendant qu’au-dehors tout vacille
Les élèves sont diplômés
Pour mieux rejouer, chien dans les quilles

REFRAIN 4
Miroir, miroir sans espoir
À force de tourner en rond
Grimoire aux pages noires
On a brûlé les leçons

COUPLET 4
Les tyrans sont sur Twitter
Les bourreaux sur Instagram
La propagande prospère
En stories et en direct

Même poison, nouvelle fiole
Les réseaux sont leur estrade
Et pendant qu’on se désole
Les likes font la mascarade

REFRAIN 5
Histoire, Histoire Clio tout est noir
À force de toucher le fond
Grimoire aux pages noires
On pourrait retourner au front

COUPLET 5
Les bottes ont des semelles
De marque et de collection
Mais marchent toujours sur celles
De nos vieilles révolutions

Le costard remplace l’uniforme
Les slogans sont en HD
Mais derrière la réforme
C’est le même défilé

OUTRO – Word spoken
Si l’histoire pouvait servir de leçon
L’histoire s’en souviendrait