Ce matin, alors que je m’engouffrais dans ce qui pourrait être décrit comme une capsule temporelle métallique, un véhicule de la SNCB dont le prix du billet défie les lois de l’économie et de la décence, une odeur envoûtante m’a enveloppé. Une fragrance si puissante qu’elle aurait pu ressusciter un pharaon dans sa tombe. Oui, l’arôme enivrant d’un joint, cette essence céleste de relaxation qui s’élève au-dessus des tracas terrestres. J’ai d’abord été saisi par une stupéfaction sans nom, puis la révélation m’a frappé avec la force d’un météore déchirant l’atmosphère : évidemment mille pétards ! Pour survivre à l’agonie de ces périples ferroviaires et à leurs exquises anomalies chronométriques, l’homo sapiens des temps modernes a découvert son antidote : une petite cigarette magique, un bâtonnet de la béatitude.
Ainsi, pris par une bouffée d’inspiration stupéfiante, défiant la loi et la morale , j’invite la SNCB à promouvoir plutôt que pourchasser l’essence et la substance pour sortir du craint train quotidien.
Car, confronté à un déluge de désagréments aussi fiables que les lois de la gravité, il semble que le misérable voyageur doive s’inventer son propre viatique, un philtre d’oubli pour masquer l’amertume de son sort. Un sort si cruel que Sisyphe lui-même aurait pris sa retraite. Ainsi dans ce train, transformé en sanctuaire de la sérénité par la fumée sacrée, chaque passager devient un alchimiste, distillant dans l’air confiné son propre élixir de tranquillité. Ils sont là, ces apôtres de l’apaisement, transformant chaque compartiment en une chapelle de la contemplation, où les prières sont remplacées par des volutes de fumée et les chants par des toux béates.
Ainsi, dans ce temple de la torpeur, où le temps semble s’étirer comme un élastique cosmique, le voyageur cherche à transcender son existence. Il aspire à une réalité alternative où les retards sont des pauses méditatives, où les sièges durs comme de la pierre deviennent des trônes de nuages, et où le contrôleur, ce messager des dieux ferroviaires, pardonne généreusement les péchés d’oublis de titres de transport. Dans cet univers parallèle, chaque station est une oasis, chaque arrêt imprévu, une invitation à l’éveil spirituel. Et quand enfin le train atteint sa destination, c’est comme si l’on revenait d’un voyage astral, les sens purifiés, l’âme légère, prêt à affronter la jungle urbaine avec la sagesse d’un moine bouddhiste.