Dans une époque où la banalité du mal s’affiche en première page avec la régularité d’un métronome en dérangement, les médias, dans un élan de créativité morbide, nous annoncent le « premier féminicide de l’année » en Belgique. Un titre qui résonne avec autant de délicatesse qu’un coup de cymbale dans un service funéraire.
Oui, mesdames et messieurs, on pourrait croire à une macabre compétition où l’on compterait les points, ou plutôt les corps, avec une désinvolture qui ferait frémir même les plus endurcis des statisticiens. « Premier de l’année », comme si l’on attendait avec impatience que la boîte de Pandore de la nouvelle année dévoile ses horreurs, prêts à cocher une case de plus dans notre bingo des malheurs humains.
Et quelle ironie dans cette annonce, où la mort tragique d’une femme, un drame intime et bouleversant, se voit transformée en un fait divers, un chiffre, un simple point de repère dans le calendrier de l’absurdité humaine. On pourrait presque entendre les murmures des rédactions : « Ah, enfin, notre premier féminicide, nous commencions à nous impatienter ! ».
L’absurdité ne s’arrête pas là. Pendant que nous traitons ces tragédies comme de vulgaires statistiques, le monde continue de tourner, indifférent à la souffrance et à la perte. Les conflits, les violences, les catastrophes naturelles, tous rangés et catégorisés, prêts à être servis avec le café du matin.
Enfin, n’oublions pas le rôle joué par nous, spectateurs passifs, consommateurs voraces de ces nouvelles croustillantes. Nous voilà transformés en juges distraits d’une réalité show morbide où chaque nouvelle édition apporte son lot de désolation et de chagrin, servi sur un plateau d’argent par les médias.
Alors, en cette nouvelle année, pendant que nous comptons les « premières fois », peut-être devrions-nous prendre un moment pour réfléchir sur la banalisation de la tragédie. Après tout, derrière chaque « première fois » se cache une histoire humaine, une perte irréparable, un rappel que certains compteurs ne devraient jamais avoir besoin d’être remis à zéro.