C’était le temps des genoux cagneux, des cheveux crasseux,
Des échappées effrénées dans le jardin en fleur,
De l’escalade des arbres à fruits, défis audacieux,
Des explorations de la remise, un univers sans heur,
Et de l’envol libre sur la balançoire,
Dans la soupe, l’herbe coupée se mêlait à l’eau, dans une cafetière recyclée, étrange histoire.
Sur l’écran noir et blanc, se dessinaient les jeux sans frontières,
Des « Francophonissimes », des « Visa pour le Monde » et des « Jardins Extraordinaires »,
C’était le temps des Yéyés, de Johnny, de Henri Salvador, des Charlots,
De Polnareff, de RTL et RMC, des « Indiens partout » de Carlos, des « Quand on est musiciens » des Sunlights chanté devant la classe peigne et papier de soie à la main.
Les Beatles s’agitaient à la télé, mais la radio, elle, chantait le plus souvent en français.
Des Arsène Lupin, malins et vaillants,
Des « Amicalement vôtres », rebondissants,
Des grimaces de de Funès, dans leurs éclats joyeux,
Des rires de Bourvil, des empoignades animées,
De Peppone et Don Camillo, dans leurs joutes trépidantes et enflammées.
C’était le temps où je dévorais, relisais,
Les albums de Spirou, de Tintin, un trésor sans fin,
Dans un monde de papiers, discrètement, je m’évadais.
Les vacances en Provence, chez la vaillante tante Iris,
Imprégnées de l’odeur des pins, des effluves du thym, quel délice,
Châteaurenard, sa tour ostensible et ses platanes puissants, son marché aux fruits et légumes vibrants, sa supérette baignée de Jazz, le cadeau Bonux de chez Taton, un trésor flamboyant, sous l’ombre protectrice des canniers, les balades à vélo, un souffle à coeur,
Le bruit doux de l’eau, le chant incessant des cigales, l’accent méridional, si particulier, si enchanteur.
Joli temps d’avant, peu à peu éteint, consumé,
Temps à jamais passé, mais à jamais gravé dans ma mémoire,
Quand revient l’été, avec délice, j’aime à en feuilleter les pages, émerveillé.
Telle est la mélodie de mon « je » d’enfant, entre jeux de mots et jeux de moi. Comme une chanson douce et familière, elle résonne encore en moi, au rythme des saisons qui passent, mais ne s’efface. Cette symphonie d’instants volés à l’enfance où j’aime à me ressourcer, redécouvrir ce « je » d’hier, qui fit ce « je » ici et maintenant, forgé de ces souvenirs précieux, ces éclats de rire, ces parfums d’été. C’est là, dans les pages jaunies de ma mémoire, que se trouve un refuge, un havre de paix, une source intarissable. Là où le temps s’est arrêté, là où chaque instant reste un trésor. Mon « je » d’enfant, ma plus belle histoire.
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